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Mon témoignage de
déconversion
Je suis d'origine chrétienne évangélique, j'ai été chrétien "né
de nouveau". Pendant l'enfance, je n'avais aucun problème pour croire. A
cette époque, il ne me serait jamais arrivé à l'esprit que la Bible puisse ne pas
être la parole de Dieu, que le dogme auquel je croyais puisse ne pas être la
vérité. Je reconnaissais Jésus comme mon sauveur, et je croyais qu'il était
mort sur la croix pour mes péchés, et ressuscité. J'étais certain d'avoir
été sauvé, et sur que j'allais passer mon éternité auprès de
Jésus-Christ. J'avais une bonne connaissance de la Bible, et une "relation
personnelle avec Dieu". J'étais convaincu de vivre des expériences
spirituelles avec Jésus, et de le sentir dans mon cœur. J'en parlais beaucoup,
même à l'école, je voulais être un apôtre. A plusieurs reprises j'ai
participé, avec d'autres évangéliques de mon église, à de l'évangélisation de
rue: nous accostions les passants pour leur parler de Jésus-Christ. Entre à
peu près 12 et 16 ans, j'étais persécuté à l'école (insultes, humiliations
incessantes) pour ma foi et mes différences: par exemple je n'étais jamais
sorti avec une fille, je ne souhaitais pas faire l'amour avant le mariage, je
trouvais mauvais le fait d'aller en boîte de nuit, je ne connaissais presque
rien des variétés musicales ou de l'actualité sportive, etc... Cette
persécution renforçait ma foi. Je pardonnais à mes camarades, j'aimais mes
"ennemis", je priais pour eux, afin que Jésus se révèle à eux. Ces
années sont malgré tout une très bonne période pour moi, je considérais ce
problème comme très secondaire, j'avais développé une personnalité particulièrement
indépendante.
Avec l'âge, les autres devinrent de plus en plus tolérants. Certes, ils
tenaient mon point de vue pour fou, mais ils le respectaient. J'étais comme
ça, on ne pouvait pas me changer, sacré moi. J'avais de plus en plus d'amis
incroyants, et certains d'entre eux étaient des gens très bien. Ma raison
évoluait au fur et à mesure que je grandissais, et il m'était plus difficile
de croire. De plus, je ne vivais plus dans le cercle évangélique uniquement, mais
j'étais de plus en plus en contact avec des opinions contradictoires. Petit à petit,
par l'expérience, je me rendais compte que les sentiments religieux tels ceux que j'avais
(conviction d'avoir une relation avec Dieu, de le sentir, etc...) n'avaient pas
forcément un rapport avec Dieu, mais pouvaient être uniquement humains. Je
remarquais qu'il était possible que moi-même ou un autre chrétien croit de
tout son cœur avoir
une révélation divine, et que cela se révèle finalement faux et purement
humain. Un exemple: le parler en langues. Certains chrétiens évangéliques,
pendant l'office religieux, prononcent des suites de syllabes qui n'ont aucun
sens, au hasard. Et ils croient que le Saint-Esprit s'exprime par eux, dans une
langue que les humains ne comprennent pas. Ensuite, un autre membre de
l'église croit recevoir de Dieu l'interprétation de ce parler en langues, et
il la donne. Certains donnent simplement un "message provenant de
Dieu" sans que cela soit la traduction d'un parler en langues
("prophétie"). Mais parfois, on trouve d'énormes bêtises dans ces
"révélation divine".
Par exemple, un jour, une femme avait "prophétisé": "Ma
Parole [la parole de Dieu, c'est-à-dire la Bible selon la croyance
évangélique] est parfaite, elle a été conservée depuis le départ à la
lettre près". Or, c'est faux. Nous savons que du IIIème siècle à
maintenant, les textes bibliques ont subi relativement peu d'altérations, et
que le sens est rarement touché par ces modifications. Mais on ne peut pas dire
que la Bible soit conservée à la lettre près, puisqu'on se base sur un très grand nombre de
manuscrits différents pour compiler les versions actuelles de la Bible. Ou, une autre fois, une
"prophétie" a plus ou moins exclu un membre (il lui a été signalé
qu'il n'avait pas le droit de faire ce qu'il venait de faire, à savoir
distribuer le pain et le vin de la Cêne) car il avait été baptisé chez les
catholiques uniquement, baptême non reconnu par les évangéliques. Tous ces
gens étaient pourtant persuadés d'avoir transmis un message de Dieu, ils
avaient "senti" que Dieu parlait, et pensaient qu'un tel sentiment ne
pouvait pas être humain. A l'aide de la Bible, ils étaient convaincus que Dieu
leur révélait que le parler en langues est une bonne chose et enrichit la vie
spirituelle du chrétien. Mais d'autres chrétiens évangéliques, à partir de la même Bible,
recevaient une "révélation" contraire de la part de
"Dieu"! Ils croyaient ainsi que le parler en langues tel qu'il était
pratiqué dans ces églises était satanique. Un pasteur contre le parler en
langues s'était rendu dans une église où cette pratique existait.
Il avait fait une prière dans un dialecte africain.
C'était un piège: les gens ont cru qu'il s'agissait d'un parler en langues.
Quelqu'un a même donné l' "interprétation" révélée par
"Dieu", et ça n'avait rien à voir avec ce que le pasteur avait dit
dans sa prière! De plus en plus je remarquais que nos sentiments
"incroyables", ce que l'on attribuait à Dieu, ne venait pas forcément
de lui et pouvait très bien être purement humain. Parfois c'était d'ailleurs
clairement le cas.
Je me rendis aussi compte que les membres d'autres religions, contradictoires
avec la Bible, étaient convaincus de la même manière de sentir la présence
de Dieu, de vivre des expériences avec lui, d'avoir une relation avec lui, de
voir son action dans la vie de tous les jours (sachant que la Bible prétend être la
vérité absolue venant de Dieu et exclue toutes les autres croyances qui
seraient de fausses doctrines inventées par les hommes et menant à la
perdition éternelle). Certains individus avaient été un jour convaincus que
"Dieu" leur "révélait" que c'était la Bible la vérité.
Mais d'autres étaient persuadé que "Dieu" leur avait
"révélé" que c'était le Coran, par exemple (et éventuellement des
anciens chrétiens, d'ailleurs, qui disaient avoir rencontré Dieu lors de leur
conversion à l'islam), d'autres encore prétendaient avoir trouvé une
"illumination" dans le bouddhisme. Etc... De plus en plus, je
relativisais ces phénomènes, ces sentiments, qui étaient considérés par la
majorité des évangéliques comme des "preuves" que l'Evangile était la
vérité. De plus en plus je remarquais que tout cela n'avait rien à voir avec
Dieu, mais qu'il était pourtant possible de le croire du comme du fer si l'on
s'en persuadait. Mais c'était visiblement faux. A cette époque, je parvenais
encore à me satisfaire de pseudo-arguments pour me convaincre que la Bible
était la vérité.
Mais ma raison continuait d'évoluer, mon niveau de conscience augmentait.
Après le Baccalauréat, j'avais de plus en plus de difficultés à croire. Je
réalisais petit à petit que mes connaissances ne me permettaient pas de savoir
si oui ou non ce en quoi j'avais cru jusque là était vrai ou pas. Il fallait d'abord vérifier si ma croyance correspondait bien à la vérité, sinon c'était de la malhonnêteté
intellectuelle que de dire que je croyais. En fait, ce qui était à l'origine de ma foi pendant l'enfance
(le désir de bien faire, l'amour de la vérité), c'est cela même qui a été responsable de la perte de
ma foi plus tard. Beaucoup de gens avaient une autre religion (ou pas de
religion du tout). La plupart du temps, parce que leurs parents respectifs les
avaient élevé dans une autre croyance dès l'enfance. Mes parents m'avaient
enseigné que de la même manière que la pluie mouille ou qu'il ne faut pas
toucher le feux, sinon l'on se brûle, tout ce que disait la Bible était vrai,
Jésus était mort sur la croix pour mes péchés, ressuscité, etc... De la
même manière, d'autres parents avaient enseigné à leurs enfants des opinions
complètement différentes et contradictoires, c'est pourquoi leurs enfants
avaient une croyance contradictoire avec la mienne. D'après ma croyance,
ils étaient perdu et allaient vers la punition éternelle. Mais selon leur
croyance (parfois), c'était moi-même qui allait en enfer si je ne me
convertissait pas à leur religion avant de mourir. Comment pouvais-je être sur
que c'était mes parents qui avaient raison, et ceux des autres qui avaient
tord? Selon la Bible, les incroyants (ainsi que les croyants à d'autres
religions) ne sont pas sauvés, parce qu'ils n'ont pas cru à Jésus-Christ,
"le seul chemin au Père".
Les chrétiens évangéliques trouvent que c'est normal: s'ils avaient
les moyens de faire des recherches et qu'ils ne les ont pas faites ils passent à côté du
"cadeau gratuit
du Christ", ils l'ont "volontairement refusé" et ont
"préféré la condamnation au salut". Ils sont coupables de ne pas s'être posé la question si
leur croyance était la bonne, et d'avoir cru aveuglément, sans chercher à connaître la vérité. Mais cette attitude de
remise en question est en revanche mal perçue par eux quand elle est effectuée par un chrétien évangélique: c'est considéré comme un mal d'admettre qu'on ne sait plus, et de remettre en question sa foi par souci de
vérité quand on a déjà cru, puisque la foi, la certitude que l'histoire
qu'on nous a racontée sur Jésus est vraie, est justement le critère pour
"être sauvé" et échapper à un terrible châtiment après la mort, d'après la Bible.
Pour les chrétiens évangéliques, avoir une foi inébranlable (qui tient bon quoi qu'il
arrive, quels que soient les faits qui remettraient en question notre croyance)
est un bien. Lorsqu'on a un doute il faut tout faire pour chasser cette pensée.
Pourtant l'attitude de doute me semble n'être que de l'honnêteté intellectuelle.
Je trouve que le dogme de la foi obligatoire pour être sauvé est extrêmement
pernicieux. A cause de ce principe, le christianisme évangélique et l'islam orthodoxe sont de
véritables prisons psychologiques. La foi obligatoire rend quasiment impossible
la réflexion libre et l'honnêteté intellectuelle. Quels que soient les faits,
le croyant doit rester sur et certain de détenir la vérité, des menaces
divines le dissuadent de penser autrement, et il lui est très difficile de se
libérer de ce poison psychologique. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant que les
croyants appartenant à d'autres religions que le christianisme évangélique aient parfois énormément de mal à remettre
en question leur religion, au grand dame des évangéliques qui voudraient "les
sauver", quand leur religion contient également le dogme de la foi
obligatoire pour échapper à la perdition éternelle. En fait, je me rendais compte que
précisément à cause de leurs dogmes les évangéliques se rendaient coupables de ce
pour quoi ils trouvaient normal que les "incroyants" (dont les croyants d'autres religions) soient punis par des
souffrances éternelles.
Il m'est arrivé souvent d'entendre dans les témoignages de conversion des phrases du
genre: "J'ai toujours cru que la Bible était la parole de Dieu". Lorsqu'on demande à un évangélique si son opinion peut changer (à propos de sa croyance, ou du contenu d'une partie de la Bible), celui-ci répond que non. De même, un jour
j'ai lu un article sur les personnes dont se servait le diable: Descartes était dans la liste. Pourtant,
c'est l'attitude de Descartes que les évangéliques demandent d'avoir aux adeptes d'autres religions. S'ils
n'ont pas cette honnêteté intellectuelle, ils continueront toute leur vie de croire à leur religion d'origine, et n'ont aucune chance de, peut-être, un jour, croire à ce que dit la Bible. Ce que les évangéliques exigent des adeptes des autres religions (sous peine d'enfer), ils se l'interdisent à eux-même. "Mais ce n'est pas pareil! répondent-ils fréquemment. Moi j'ai déjà donné mon cœur au Seigneur, je suis déjà dans la vérité, il est absurde que je me pose la question que les
incroyants doivent se poser!" Fin août 2001 pour la première fois je n'ai plus eu la foi, j'avais très peur à cause des menaces de la Bible vis-à-vis des incroyants, finallement j'ai réussi à me repersuader
que je croyais pendant la Toussaint qui a suivi. Ce qui n'a pas empêché qu'à
partir de décembre j'avais des crises d'incroyances, par exemple une nuit
d'angoisse où j'avais l'impression que je ne croyais plus et où j'avais tout le
mal du monde à me convaincre que la Bible était la vérité (à travers la
prière, et l'analyse rationnelle des faits sur la Bible qui m'étaient connus).
Au court de l'année j'ai été amené à être de plus en plus avec des Maghrébins, jusqu'à être la plupart
du temps avec eux (il faut dire que j'appréciais énormément les Nord-Africaines,
et j'étais amoureux de l'une d'elles).
Pendant l'année, un athée m'a prêté un livre: "Jésus contre Jésus", je l'ai pris et j'avais comme projet de répondre à
tous les arguments pour le convaincre que la Bible était la vérité; de
toute façon avec l'aide de Dieu j'étais sûr que l'affaire allait bien tourner.
En fait, l'été a été très dur à cause de ça. Le problème c'est que le christianisme évangélique
ne nous demandent pas d'adhérer à une idéologie, ou seulement de pratiquer une
religion, mais de croire. Et ça, c'est très dur, pour ne pas dire impossible. En
effet, quand quelqu'un nous rapporte une information qu'on ne peut pas vérifier,
comment faire pour en être sûr et
certain? Alors qu'en fait si l'on est honnête on n'a pas les moyens d'en
vérifier la véracité? Et pourtant, il était soit-disant obligatoire de croire pour échapper
à la perdition. Même reconnaître sincèrement que l'on ne sait pas conduisait à la punition éternelle.
Donc voilà, j'essayais de répondre aux arguments du livre "Jésus contre Jésus".
La plupart des attaques ne sont pas prouvables. Par exemple si l'on dit: "Le
déluge global est impossible car l'atmosphère terrestre n'aurait pas pu contenir
autant d'eau", on peut toujours s'en sortir avec des arguments comme "La science
n'est pas sans erreur, un jour des scientifiques diront que c'est possible", ou
encore: "Peut-être que les lois physiques n'étaient pas les mêmes à cette
époque? Après tout, n'est-il pas dit que les humains vivaient près de 1000
ans?", ou, dans le pire des cas: "Dieu est en-dessus des lois physiques". Idem pour
les histoires des 6000 ans de l'humanité, de la création, etc... Ca ne
me posait pas problème. "L'erreur" de la Bible n'est pas prouvable. Il en est
tout autrement des contradictions bibliques par exemple (et d'une manière
générale de tout problème que l'on remarque avec la Bible seule). On lit qu'un texte dit ceci et
qu'un autre texte écrit visiblement par un auteur rival (mais les deux livres
antagonistes ont été introduits dans la même Bible au IVème siècle, leurs
auteurs ont d'ailleurs dû se retourner dans leur tombe à ce moment-là) dit: non
c'est faux, c'est cela! Là on ne peut pas s'en sortir si facilement. Dieu ne se contredit pas: s'il y a réellement contradiction alors on est en présence d'une preuve que la Bible est fausse. J'ai essayé de
trouver des explications pour les contradictions, j'ai cherché ce que d'autres évangéliques en disaient, j'ai lu des livres chrétiens qui prétendaient "réfuter" ce genre de critiques, mais je n'arrivais pas à me satisfaire vraiment de mes explications ou de celles des autres (souvent certes possibles, mais aussi très improbables et/ou complètement tirées par les cheveux). De plus, je découvrais certaines atrocités de l'Ancien Testament.
Je me suis rendu compte avec effroi que mes connaissances de la Bible
étaient plus importantes que celles de la majorité des autres chrétiens évangéliques (qui étaient souvent troublés si je me mettais à parler de quelque chose qui me posait problème), et que l'autre partie
des évangéliques (ceux qui étaient instruits et avaient une bonne connaissance
de leur religion) présentait une malhonnêteté intellectuelle flagrante quand il s'agissait de défendre sa foi (ce qui est une conséquence du dogme de la foi obligatoire pour être sauvé).
Pendant cet été, je passais nuit blanche sur nuit blanche
à essayer de croire à nouveau, j'avais une peur extrême à l'idée de m'endormir sans la
foi, car si je mourais, ou que c'était la fin du monde, j'allais avoir
(peut-être? Et le problème c'est que je n'arrivais plus à en être sûr, mais un
doute de ce genre n'atténue pas la peur) droit à une éternité de souffrances
atroces et indescriptibles. Des versets terrifiants me revenaient à l'esprit,
comme le passage Hébreux 6:4-8 où il est dit que si l'on a cru et qu'on a perdu
la foi, c'était fini, Dieu ne voulait plus de nous et la foi ne nous serait
jamais rendue. Je passais des heures et des heures la nuit à essayer de me persuader
que je croyais. Je priais Dieu qu'il me redonne ma foi, ou qu'il me la donne
(car dans le dogme du type de christianisme évangélique auquel j'appartenais, une fois
que l'on a la foi, on est sauvé, il est impossible de la perdre, et on dit
des apostats qu'ils n'ont jamais vraiment eu la foi), et que si quelque
chose l'empêchait de le faire, qu'il me change pour qu'il puisse le faire
ensuite, et qu'il soit la priorité dans ma vie.
Dans le même temps, je pensais à la Maghrébine dont j'étais amoureux,
et je me disais que c'était injuste. Quelqu'un m'a dit que c'était excellent,
nous étions les descendants des Huguenots, et que grâce à cela il y avait une
bénédiction sur nous, grâce à ce que nos ancêtres avaient fait. J'ai pensé à
celle que j'aimais et je n'ai pas du tout apprécié. Un jour, j'ai entendu la
prière suivante: "Nous n'avons rien de plus que les autres, nous ne sommes pas
meilleurs qu'eux, mais tu nous as choisis et pas eux, c'est un privilège que tu
nous as fait, merci Seigneur!", je pensais à celle dont j'étais amoureux et je pleurais.
J'ai eu aussi un complexe d'infériorité: je me disais que si elle avait été dans
ma situation elle aurait été sauvée alors que moi j'étais né dans la meilleure
des situations possibles, parents croyants, avec la vraie foi et pas la
perversion du christianisme qu'est le catholicisme (d'après la vision traditionnelle des évangéliques), et pourtant je n'arrivais pas à croire. Je correspondais à l'image donnée par une des épîtres de Pierre à
propos de l'apostat: le chien retourne à ce qu'il a vomi et le porc, après avoir
été lavé, retourne immédiatement se rouler dans la boue (2 Pierre 2:22). Sur une mauvaise terre,
il ne peut pousser que des chardons, même si celle-ci est bien arrosée (allusion à Hébreux 6:7-8).
J'avais l'impression d'être très très abondamment arrosé (enseignement biblique très présent) mais une terre immonde,
et rien ne poussait. Je pensais à ceux qui n'avaient pas la chance d'être arrosé
mais qui présentaient une terre sans doute bien meilleure que la mienne, et je
me sentais très mal.
Ce complexe-là s'est transféré dans tous les
domaines: à la rentrée (septembre 2002), la fille dont j'étais amoureux n'a pas
eu de chambre, à cause d'une injustice. J'ai immédiatement adhéré à l'Unef, mais
rien ne s'est fait (ils voulaient la voir elle-même mais elle n'a jamais voulu rencontrer
les responsables de ce syndicat, pour une raison que j'ignore). Elle a travaillé plus de 20 heures
par semaine en plus des études, jusqu'à la Toussaint, et elle s'est planté à
cause de ça. Je me disais que j'étais vraiment favorisé, qu'à sa place j'aurais
été vraiment hyper nul et que c'était injuste. Sinon, j'avais de moins en moins
peur en matière de religion, bien que ma foi ne se reformait pas; mais bon la
vie continuait, et je commençais à m'habituer à vivre sans la certitude que la
Bible était bien la Parole de Dieu, malgré les terribles menaces de la Bible
à ce sujet, mais de toute façon je n'y pouvais rien.
Il y avait une fille qui venait
du bled que j'aidais en physique. En mars elle s'est mise à mettre le hijab et
on a beaucoup discuté religion suite à cela. J'avais peu de temps, parce que je
faisais de l'accompagnement scolaire, j'en avais mare d'être privilégié et je
voulais moi aussi travailler pendant les études. Pendant les 3 mois de vacances
j'ai travailler sur mon lieu d'études exactement pour la même raison. Il m'était alors
difficile de supporter le moindre privilège par rapport à celle
dont j'étais amoureux. Par la même occasion, j'ai commencé à connaître
sérieusement l'islam. Ayant perdu la foi évangélique, je me disais de plus en
plus que c'était probablement l'islam qui était la vérité. Les autres religions
n'étaient pas crédibles à mes yeux et ne devaient pas tenir la route cinq minutes
rationnellement parlant (et d'ailleurs elles ne prétendaient même pas toutes être la
vérité absolue, ce qui, pour moi à cette époque, était éliminatoire). Il
faut dire que j'étais toujours dans ma logique évangélique: il me fallait
absolument trouver la "vérité absolue" avant de mourir, sinon je
courais un grand danger (enfer). Donc c'était islam (orthodoxe) ou christianisme (évangélique) (au sujet de ces distinctions, voire cet article), et
probablement l'islam. Au début cela se passait plutôt bien, beaucoup d'erreurs des évangéliques ont joué en faveur de l'islam. Comme par exemple: j'avais entendu que dans le Coran il était demandé
de tuer tous les non-musulmans. Je tombais de haut en apprenant que non, que le
statut de dhimmi était accordé aux non-musulmans en Terre d'islam, mais qu'ils
pouvaient conserver leur religion (je ne savais pas que cela n'était valable que
pour les gens du livre d'après l'opinion majoritaire, et d'après ce qu'on m'avait dit la guerre sainte, de
toute façon, était uniquement défensive). J'étais furieux contre certains
pasteurs qui m'avaient trompé. Les miracles scientifiques, oui, ça semblait
convainquant, certains en tout cas, il fallait que je creuse plus sérieusement la chose avant de
croire, mais ça semblait crédible.
J'ai eu un choc, par contre, lorsque j'ai découvert dans un des livres que je m'étais procuré dans une librairie islamique, puis en lisant les hadiths correspondants, que celui qui quittait l'islam était passible de mort. De
plus, la sourate 9 me troublait, de même que nombre de hadiths que je lisais.
J'ai décidé d'aller voir des imams pour régler ces problèmes. Et de discuter
aussi avec une catholique convertie à l'islam. Je me disais qu'elle avait dû rencontrer les mêmes
problèmes que moi mais qu'elle était parvenue à les résoudre puisqu'elle s'était
convertie. Je lui ai parlé de mon problème concernant la Sourate 9, mais... elle
ne connaissait pas cette sourate............ Et j'ai eu
l'occasion de voir qu'il en était de même avec la majorité des nouveaux
convertis à l'islam. Généralement, ils étaient très ignorants de cette
religion. Par exemple quasiment aucun n'avait entendu parler de la peine de mort
en cas d'apostasie, quand j'en parlais ils tombaient généralement de haut.
Je suis allé voir des imams. Ca ne s'est pas bien
passé. Par exemple une fois j'ai demandé ce qu'il en était des enfants des musulmans: s'ils choisissaient de ne pas être
musulmans, cela était une apostasie parce que dans leur enfance ils avaient étés évidemment de la même
religion que leurs parents. Mais ils n'avaient pas choisis, alors peut-être que
pour eux ça se passait différemment? Sinon, il s'agissait, selon moi, d'une
conversion forcée à l'islam. L'imam, très mécontent que je pose cette question
(mais bon si j'étais venu c'était pas pour des prunes, je voulais résoudre de
vrais problèmes), m'a répondu: "Les enfants des musulmans sont musulmans", ce qui
voulait tout dire. J'ai appris plus tard qu'un imam disant de telles choses peut
être condamné ou expulsé hors de France. D'où la gêne de cet imam pour parler de
ça. On a abordé beaucoup de choses mais les réponses n'étaient pas
satisfaisantes.
A la fin des vacances, j'ai avoué à mes parents ce qui m'arrivait. Ils ont pris un rendez-vous
avec un pasteur, afin que l'on puisse discuter de tout ça, pour me convaincre à nouveau. On a discuté
un certain temps, le pasteur a été moyennement convainquant. Mais à la fin il m'a dit: "Il faut que vous vous
convertissiez avant ce soir. Sinon vous ne le ferez pas. Vous ne pouvez pas savoir ce qui va vous
arriver cette nuit, peut-être que vous allez mourir, auquel cas vous seriez perdu si vous n'avez pas pris
la décision de suivre Jésus-Christ avant. Même, je devrais vous demander de vous convertir immédiatement.
Vous pourriez avoir un accident de voiture sur le chemin du retour". Nous sommes rentrés, moi et mon père,
sans avoir d'accident. Le soir, j'avais très peur. J'essayais de me persuader que je croyais, je priais aussi,
pour que Jésus "entre dans ma vie" (ce qui est une mauvaise méthode, je ne laissais pas le choix à Dieu,
en quelque sorte j'exigeais de sa part qu'il soit le Dieu décrit par la Bible, son auteur, alors que
tant que je ne savais pas, je n'avais aucune raison de lui demander qu'il me révèle précisément ce fait si
en fait je n'en savais rien; mais j'étais très nerveux à cause des menaces bibliques dont m'avait parlé le pasteur).
Je décidais de croire même si je ne savais pas et que la Bible contenait
pour moi des problèmes non-résolus. C'est pourtant impossible, si l'on est honnête. On ne choisit pas de
croire. La croyance s'impose ou disparaît d'elle-même suivant les faits que l'on
connaît. Mais j'avais très peur de mourir sans la foi, et ce soir-là je me disais qu'aussi bien ce pasteur avait
prophétisé à mon sujet, et que ce qu'il avait dit était un avertissement de Dieu afin que je "naisse de nouveau" avant de mourir, pour que j'échappe au tourment éternel.
Au bout de plusieurs heures, j'ai réussi à être persuadé que ça
y est, je croyais, j'étais sur que la Bible était la parole de Dieu, que Jésus était mort sur la croix pour mes péchés, et
ressuscité. Je me sentais tout-à-coup très bien, très heureux. J'ai écrit une lettre pour ma famille au cas où je meure, pour qu'ils soient rassurés sur ma destination éternelle:
"Si cette nuit j'ai eu un problème, ne vous inquiétez pas, je suis sauvé!". Le lendemain, je me suis
réveillé. J'ai annoncé la nouvelle à mes parents, qui ont décidé qu'on fasse une fête dans un restaurant le soir.
Au cours de cette fête, j'allais annoncer la nouvelle à mes sœurs, ce qui était une drôle de situation,
car elles ne savaient pas ce qui m'était arrivé, mes recherches sur l'islam, etc...
C'était d'autant plus une drôle de
situation que dans l'après-midi j'avais sans cesse des débats dans ma tête où j'étais opposé au pasteur
que j'avais rencontré la veille, et je défendais le point de vue critique de la Bible. J'essayais de lutter contre ça,
mais les arguments contre le dogme évangélique étaient pertinents, et ce que m'avait poussé à faire ce pasteur
était une absurdité, au-dedans de moi je m'en rendais compte même si je ne voulais pas l'accepter à ce
moment-là. Le soir, on a fait la fête au restaurant. Quelques jours plus tard, j'ai repris les études, dans une autre ville.
J'ai pris contact avec un groupe biblique universitaire. Mais les faits que je connaissais sur la Bible me
revenaient sans cesse à l'esprit, et mon amour pour la vérité me le faisait supporter difficilement.
Ma foi baissait, ma colère contre ce pasteur augmentait, de plus en plus je reconnaissais que je n'avais fait
cette "conversion" qu'à cause de la peur de l'enfer, et que la crainte d'être tourmenté pendant l'éternité m'avait
poussé à renoncer à mon désir de vérité. Finalement, j'ai de nouveau accepté le fait que je ne croyais pas,
et j'étais de nouveau au même point qu'avant avoir rencontré ce pasteur.
Cette année-là j'avais, à mon université, un bien meilleurs accès à internet, si bien que je faisais des
recherches sur l'islam, le christianisme, via le web. J'ai découvert les forums. Je n'ai pas apprécié la manière
dont se passaient les débats. Aussi bien les évangéliques que les musulmans orthodoxes étaient bourrés de certitudes,
et quoi qu'il arrivait ils restaient toujours convaincus d'avoir raison (leurs religions respectives les y obligent, sinon ils croient qu'ils iront en enfer); alors qu'il y a une seule vérité, et que si Dieu a révélé une religion à laquelle il est obligatoire de croire pour être sauvé, alors toute personne sincère doit finallement reconnaître cette vérité, même si, pour différentes raisons, elle appartenait à autre religion auparavant. Mais internet ne me permettait pas de démêler le fil de l'énigme religieuse. C'est pourquoi je suis allé dans une mosquée en vue de rencontrer des musulmans convertis. Le responsable de la mosquée a pris un rendez-vous avec l'un d'eux. Alors que nous
étions en route, je lui ai dit que la peine de mort en cas d'apostasie me gênait beaucoup dans
l'islam. Il m'a répondu: "Qui t'a dit ça? C'est faux! Il n'y a pas de peine de
mort en cas d'apostasie dans l'islam!" pour me dire, plus tard, quand il s'est
aperçu que c'était trop tard, je savais: "Oui, c'est vrai, en islam l'apostat
est tué". Autant de choses qui la foutent très, très mal. Il faut dire
aussi qu'on en avait parlé avec le converti (qui lui faisait partie des rares
personnes que j'ai vues qui s'étaient converties en toute connaissance de cause,
en connaissant bien le Coran et la sounna), et que ce dernier m'avait confirmé, devant le
sous-président de la mosquée, qu'un musulman qui abandonnait l'islam devait
être tué. Le sous-président m'a d'ailleurs
invité dans un kébab quelques jours plus tard pour savoir où j'en étais. Il s'en est pris
plein la gueule, à cause de ça et d'autres idioties qu'il m'avait déblatéré.
Comme par exemple: le soir où j'avais rencontré le musulman converti, ce
dernier m'avait dit qu'il avait totalement arrêté la musique car c'était interdit dans l'islam. J'avais vraiment eu un choc et je me disais qu'il y avait des tas de
choses extrêmement difficiles à accepter dans cette religion et que si autant de
monde s'y convertissait c'était par ignorance d'une bonne partie de son contenu (ce qui se
vérifiait d'ailleurs). Et bien le sous-président de l'association, quand je lui
en ai parlé, a dit: "Oh, mais tu sais, moi je suis musulman, mais j'écoute la
musique, et en Algérie, tout le monde écoute la musique". Ce n'était pas sérieux.
Encore il aurait dit: "Mon opinion c'est que la musique n'est pas
interdite parce que ci, parce que ça. De plus il n'y a pas de peine de mort en
cas d'apostasie, voici les textes qu'utilisent ceux qui la justifie, et voici
pourquoi moi je n'y crois pas", d'accord! Mais là, sa manière de régler les problèmes était particulièrement imbécile, notamment pour toute personne qui recherche la vérité venant de Dieu pour s'y soumettre.
Par contre le musulman converti était très honnête, à tel point
qu'il ne me cachait rien, même ce qui était susceptible de me choquer de manière
très grave. J'ai découvert des choses que je n'aurais jamais acceptées l'été
précédent, et si on avait commencé par me présenter ça, je serais parti en
courant. Mais là désormais j'étais à même d'accepter ces choses, et ce en grande
partie à cause de la Bible, car je découvrais les mêmes choses voire pire dans
l'Ancien Testament, ce qui m'interdisait de dire: "S'il y a ça dans l'islam, ça
prouve que ce n'est pas la vraie religion! Dieu n'aurait jamais demandé de faire
ça!" comme le font beaucoup de chrétiens évangéliques qui oublient allègrement le contenu de
leurs propres "écritures sacrées". Si je choisissais de croire ce que disait la Bible, je devais
donc accepter des choses pires. Donc malgré le fait que je découvrais des contenus difficiles à
accepter dans les sources islamiques, je ne me décourageais pas et je continuais ma
recherche. Cet homme vivait en appliquant le plus possible le Coran et la sounna. Je ne voyais jamais sa femme qui frappait à la porte pour apporter un
plat, pour que son mari aille le chercher et qu'on ne la voit pas. Un jour lors
d'un reportage à la télé sur les prisonniers à Guantanamo, il a dit: "Hamdoulila,
nos frères à Guantanamo! Oui c'est incroyable la propagande qu'on fait pour
descendre Ben Laden alors que c'est un vrai musulman!". Tous les musulmans
n'avaient pas la même conception que lui, mais j'avais l'impression qu'il avait
le Coran et la sounna de son côté. Actuellement, je pense que ce n'est pas si simple si l'on
considère le Coran seul, si peu clair qu'on peut lui faire dire tout et son contraire. Mais
son point de vue correspond à ce que j'appelle désormais "l'islam orthodoxe", la religion basée sur le Coran, la sounna, le consensus (et qui n'a pas forcément grand chose à voir avec d'autres
types d'islam qui savent prendre leur distance vis-à-vis de certaines de ces sources, et qui ne prétendent
pas forcément être "la vérité" à laquelle tout le monde devrait croire).
Petit à petit, je suis devenu agnostique. Pour ces raisons et aussi pour diverses raisons
rationnelles dont un grand nombre se trouvent sur ce site.
Avec le temps, je me suis résolu au fait que Dieu, s'il existe, n'a pas envoyé de religion (ce qui, tout bien réfléchi, me paraissait même impossible, voir
cet article). Au début cela a été très dur parce que pendant toute mon enfance j'avais été
habitué à être sur que la mort n'était rien, qu'après on se retrouverait pour vivre éternellement (j'ai considéré encore longtemps cela comme probable voire
très probable). Mais bon aucune religion "absolutiste" n'était satisfaisante. Je considérais alors que la vie était un immense jeu de piste et que le
but, c'était de vivre une aventure incroyable, de chercher des indices pour résoudre une partie de la vraiment passionnante énigme existentielle. Après cette phase
agnostique-déiste, je suis finalement devenu athée (j'expose ici quelques raisons).
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